Espérer, en effet, n’est pas du tout facile. Georges Bernanos disait que « n’espèrent que ceux qui ont le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prenaient faussement pour de l’espérance. […] L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques ». L’espérance est une vertu cachée, tenace et patiente. Cependant, pour les chrétiens, espérer n’est pas un choix facultatif, mais une condition irréductible. Comme l’a rappelé Benoît XVI dans l’encyclique Spe salvi, l’espérance n’est pas un optimisme passif mais, au contraire, une vertu “performative”, capable de changer la vie : « Celui qui a l’espérance vit différemment ; une vie nouvelle lui a déjà été donnée » (n. 2).
Nous trouvons dans la première lettre de Pierre une synthèse admirable dans laquelle l’espérance est mise en relation avec le témoignage et la communication chrétienne : « Honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect » (3, 15-16). Je voudrais m’arrêter sur trois messages que nous pouvons tirer de ces paroles.
« Honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur » : l’espérance des chrétiens a un visage, celui du Seigneur ressuscité. Sa promesse d’être toujours avec nous par le don de l’Esprit Saint nous permet d’espérer même contre toute espérance et de voir les miettes de bien cachées même quand tout semble perdu.
Le deuxième message nous demande d’être prêts à rendre raison de l’espérance qui est en nous. Il est intéressant de noter que l’apôtre nous invite à rendre compte de l’espérance « devant quiconque nous demande ». Les chrétiens ne sont pas d’abord ceux qui “parlent” de Dieu, mais ceux qui reflètent la beauté de son amour, une nouvelle façon de vivre toute chose. C’est l’amour vécu qui suscite la question et exige la réponse : pourquoi vivez-vous ainsi ? Pourquoi êtes-vous ainsi ?
Dans l’expression de saint Pierre, nous trouvons enfin un troisième message : la réponse à cette question doit être donnée « avec douceur et respect ». La communication des chrétiens – mais je dirais aussi la communication en général – devrait être tissée de douceur, de proximité : le style des compagnons de route, suivant le plus grand Communicateur de tous les temps, Jésus de Nazareth qui dialoguait le long de la route avec les deux disciples d’Emmaüs, faisant brûler leur cœur par la manière dont il interprétait les événements à la lumière des Écritures.
C’est pourquoi je rêve d’une communication capable de faire de nous les compagnons de route de nombreux frères et sœurs, de raviver en eux l’espérance en ces temps troublés. Une communication capable de parler au cœur, de susciter non pas des réactions passionnées de fermeture et de colère, mais des attitudes d’ouverture et d’amitié ; capable de mettre en valeur la beauté et l’espérance, même dans les situations apparemment les plus désespérées ; capable de susciter l’engagement, l’empathie, l’intérêt pour les autres. Une communication qui nous aide à « reconnaître la dignité de tout être humain et à prendre soin ensemble de notre maison commune » (Lett. enc. Dilexit nos, n. 217).