La première rencontre sur laquelle je voudrais m’arrêter est celle de Jésus avec Nicodème, racontée au chapitre 3 de l’Évangile de Jean.
Nicodème va voir Jésus de nuit : une heure inhabituelle pour une rencontre. Dans le langage de Jean, les références temporelles ont souvent une valeur symbolique : ici, la nuit représente probablement ce qui est dans le cœur de Nicodème. C’est un homme dans l’obscurité du doute, dans cette obscurité que nous connaissons lorsque nous ne comprenons plus ce qui se passe dans notre vie et que nous ne voyons pas clairement le chemin à suivre.
L’Évangile nous apprend que Nicodème ne comprend pas tout de suite ce que Jésus lui dit. Nous voyons donc qu’il y a beaucoup de malentendus dans ce dialogue, et aussi beaucoup d’ironie, ce qui est une caractéristique de l’évangéliste Jean. Nicodème ne comprend pas ce que Jésus lui dit parce qu’il continue à penser avec sa propre logique et ses propres catégories. C’est un homme à la personnalité bien définie, il a un rôle public, il est l’un des chefs des Juifs. Mais il est probablement plus difficile pour lui de faire la part des choses. Nicodème sent que quelque chose ne fonctionne plus dans sa vie. Il ressent le besoin de changer, mais ne sait pas par où commencer.
Cela nous arrive à tous à un moment ou à un autre de notre vie. Si nous n’acceptons pas le changement, si nous nous enfermons dans notre rigidité, nos habitudes ou nos modes de pensée, nous risquons de mourir. La vie réside dans la capacité à changer pour trouver une nouvelle façon d’aimer. En fait, Jésus parle à Nicodème d’une nouvelle naissance, qui est non seulement possible, mais même nécessaire à certains moments de notre parcours. En fait, l’expression utilisée dans le texte est déjà ambivalente en elle-même, car anōthen (ἄνωθεν) peut être traduit soit “d’en haut”, soit “à nouveau”. Peu à peu, Nicodème comprendra que ces deux significations vont de pair : si nous permettons à l’Esprit Saint d’engendrer une vie nouvelle en nous, nous naîtrons de nouveau. Nous redécouvrirons cette vie qui, peut-être, était en train de s’éteindre en nous.
Les changements nous font parfois peur. D’une part, ils nous attirent, nous les désirons parfois, mais d’autre part, nous préférons rester dans notre zone de confort. C’est pourquoi l’Esprit nous encourage à affronter ces peurs. Jésus rappelle à Nicodème – qui est un enseignant en Israël – que les Israélites avaient eux aussi peur lorsqu’ils marchaient dans le désert. Ils étaient tellement obnubilés par leurs soucis qu’à un moment donné, ces peurs ont pris la forme de serpents venimeux (cf. Nombres 21, 4-9). Pour être libérés, ils devaient regarder le serpent de bronze que Moïse avait placé sur un mât, c’est-à-dire qu’ils devaient lever les yeux et se tenir devant l’objet qui représentait leurs peurs. Ce n’est qu’en regardant en face ce qui nous fait peur que nous pouvons commencer à être libérés.